Peine capitale: entre droit de vivre et devoir de punir

Longtemps considérée comme le meilleur moyen d’éradiquer le crime et d’obtenir des représailles, la peine de mort connaît depuis le milieu du XX-ème siècle, un déclin significatif, avec de plus en plus d’appels à son abolition, car jugée intrinsèquement contraire au droit à la vie.

En effet, le droit à la vie, qui constitue l’un des principes les plus sacrés dont découlent tous les autres droits au sein du système des droits de l’homme, a été le moteur principal du mouvement contre la peine capitale, et a contribué largement à l’essor remarquable qu’il connaît aujourd’hui de par le monde.

Les appels des Nations unies en faveur du respect du droit à la vie ont également contribué au débat public sur la nécessité d’abolir cette peine, en raison de son conflit avec les pactes internationaux relatifs aux droits humains.

L’Assemblée générale des Nations unies a, dans ce cadre, adopté quatre résolutions, en 2007, 2008, 2010 et 2012, appelant l’ensemble des États à respecter les normes internationales protégeant les droits des personnes condamnées à la peine de mort, à restreindre progressivement le recours à cette peine et à réduire le nombre de crimes passibles de la peine capitale.

C’est dans ce sillage, et suite à la création de la Coalition internationale pour l’abolition de la peine de mort en 2003, que la communauté internationale célèbre la Journée internationale contre la peine de mort le 10 octobre de chaque année, afin de mettre en avant les initiatives visant à mettre un terme à l’application de cette peine et à souligner ses limites pour ce qui est de la réduction de la criminalité.

Ainsi, cette date est devenue l’occasion pour tous les défenseurs des droits de l’homme, acteurs politiques et civils, ainsi que tous les opposants à la peine de mort dans le monde, de renouveler leurs revendications et réitérer leurs plaidoyers pour une abolition définitive.

En 2021, les organisations internationales de défense des droits humains ont fait état de 579 exécutions dans 18 pays, soit une augmentation de 20% par rapport aux 483 exécutions enregistrées en 2020.

Malgré cette augmentation, le nombre total d’exécutions mondiales pour 2021 est considéré comme le deuxième nombre le plus bas enregistré par ces organisations depuis l’année 2010.

Au Maroc, comme dans les autres pays, le débat public autour de l’abolition de la peine de mort fait couler beaucoup d’encre, particulièrement en raison de la divergence d’opinions, d’idées et d’attitudes au sein de la société marocaine à ce sujet.

Entre ceux qui soutiennent le maintien de la peine de mort pour dissuader et réprimer toute tentation criminelle et ceux qui revendiquent son abolition notamment parce que l’erreur dans sa mise en œuvre est irréparable, la balance semble pencher pour l’indécision.

Les juristes basent leur défense de l’abolition sur l’article 20 de la Constitution marocaine de 2011, qui stipule que « le droit à la vie est le droit premier de tout être humain » et que la loi le protège, tandis que les partisans de la peine capitale avancent qu’elle est un moyen de dissuasion et de répression dont le but ultime est de freiner la criminalité.

Par ailleurs, le Procureur général du Roi près la Cour de Cassation, président du Ministère Public, Moulay El Hassan Daki, a indiqué que le nombre de personnes condamnées à mort connaît une baisse continue, passant de 197 en 1993 à 79 en décembre 2021.

Lors de son intervention à l’occasion de l’ouverture de l’assemblée générale de la Coalition marocaine contre la peine de mort, en mars dernier, M. Daki avait expliqué que cette évolution est due à la baisse du nombre des jugements prononçant la peine capitale ainsi qu’aux mesures de grâce royale permettant de commuter la peine de mort en différentes peines de prison.

Il avait également relevé que la présidence du Ministère public tient à ce que sa position concernant cette peine demeure en conformité avec la loi et qu’elle puisse être en harmonie avec les aspirations de la société marocaine, encourageant les magistrats à étudier les divers dossiers comme il se doit et à avoir constamment à l’esprit l’intérêt de la société que le Parquet représente devant les tribunaux.

Dans un discours similaire, la présidente du Conseil national des droits de l’homme, Amina Bouayach, avait affirmé que « le Maroc est qualifié pour faire un saut qualitatif en matière d’abolition de la peine de mort », compte tenu des progrès accomplis dans l’instauration et le renforcement des libertés, ainsi que la cohésion et la solidarité sociale dont le Royaume a fait preuve durant la pandémie.

Elle avait fait observer que la voie de l’abolition de la peine de mort, qui a été lancée il y a environ 30 ans, a connu des développements importants, citant notamment l’élargissement de la base des partisans de l’abolition, l’intégration du droit à la vie dans la Constitution et la non-application de la peine de mort.

De son côté, le président de l’Observatoire marocain des prisons, Abdellatif Rafoua, avait souligné que les débats politiques et sociaux en cours sur l’abolition de la peine de mort nécessitent de trouver un équilibre entre la protection du droit à la vie et la préservation de l’ordre public.

Entre les voix qui se lèvent contre la peine de mort et appellent à mettre un terme à ce châtiment par voie de réforme globale du système de droit pénal, et celles en faveur de cette peine pour son pouvoir répressioniste, le débat demeure vivace, même si, comme le Maroc, plusieurs pays sont en effet abolitionnistes de facto. Face à cette divergence d’opinions, la balance ne semble pencher ni pour le droit de vivre, ni pour le devoir de punir.

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