Ciné-club..Satyajit Ray (1921 – 1992) L’art et la vérité

AZULPRESS –  Mohammed Bakrim //

« Il est plus facile de filmer une scène d’action à l’américaine qu’un plan où l’on voit la détresse d’un enfant »

Le mois de Ramadan est propice à revoir nos classiques. Déjà la pandémie nous a imposé de vive une cinéphilie confinée et les plateformes de streaming en ont profité, boostées par notre désir d’images. Le retour aux classiques possède  plusieurs vertus ; rafraichir la mémoire, certes, et la nourrir de références inoubliables. Mais cela aussi a une dimension disons didactique en nous permettant de mettre le flux d’images qui envahissent notre quotidien dans une perspective historique. Notamment pour le cinéma ; lire les films d’aujourd’hui avec les leçons des films d’hier. S’interroger par exemple, sur comment les cinéastes d’aujourd’hui négocient leur rapport à la modernité avec comme background des films fondateurs comme Cuirassé Ptemkine, L’aurore, Citizen Kane, Rome ville ouverte, Le voleur de bicyclette…Ou à une échelle qui est la nôtre, comment des films des années 2000 se lisent par rapport à Wechma, De quelques événements sans significations, Chergui, O les jours ou Mirage…
En fait, nous posons ici en filigrane la question de savoir comment des films construisent leur public. Comment un film dégage de l’émotion qui va traverser le temps…
Il ne s’agit pas de chercher à filmer une histoire qui touche à tout prix le public. L’émotion peut émaner de la narration elle-même quand elle est portée par un travail de recherche artistique mobilisant toutes les possibilités de l’image cinématographique et du montage (Bensaidi, Lasri, Mouftakir, Hakim Belabbes…).  Il y a, cependant,  une impression qui se dégage, c’est que pour courir derrière l’adhésion du public, on joue sur l’actualité du sujet ou son côté sensationnel, d’où un phénomène de mode qui rétrécit gravement le champ de l’expression. Il y a un véritable paradigme qui finit par s’imposer comme un carcan écrasant toute velléité de recherche artistique.  D’où le recours à la comédie populaire…
«Ce qui est pour moi véritablement important, ce n’est pas le gain immédiat, mais de pouvoir démontrer qu’associer l’art à la vérité doit à la longue conduire au succès», écrit le grand cinéaste hindi Satyajit Ray. L’art et la vérité que je pourrai traduire par la vérité dans l’art, ou la vérité par l’art. Son cinéma en est la parfaite illustration. Quand on voit aujourd’hui ses premiers films, notamment la trilogie d’Apu, on sent que la profondeur de l’expression ne vient nullement de l’importance des moyens mis en œuvre, ni des stars mobilisées, ni dans l’exotisme du sujet. La force de ce cinéma émane de la sincérité qui a présidé à l’élaboration de chacun des plans qui le composent. Il avoue lui-même qu’il est plus facile de filmer une scène d’action à l’américaine qu’un plan où l’on voit la détresse d’un enfant, où il faut capter les sentiments d’une femme qui entre dans une nouvelle phase de sa vie. La réussite de l’exercice se traduit dans cette émotion qui nous touche alors que le film est sous-titré et que la langue employée est une variante du bengali. La réussite est possible parce qu’au départ le regard du cinéaste est nourri d’images. Les films de Satyajit Ray sont le prolongement de la tradition narrative locale mais sont surtout traversés de souffle cinéphilique. Quand on voit un plan de Satyajit, on pense au cinéma soviétique des années 20, on pense au néo-réalisme, au cinéma de Jean Renoir. Oui, la question du plan trahit le vice de forme qui caractérise le cinéma marocain dominant.

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