Hidden de Jafar Panahi : Filmer… malgré la censure
MOHAMMED BAKRIM
Je viens de voir un joli court métrage, Hidden de Jafar Panahi (France-Iran, 2021, 18 minutes). Il fait partie d’une commande de l’Opéra de Paris dans le cadre d’une programmation spécifique dédiée à la musique.
Issu d’un milieu socialement très modeste, Jafar Panahi est aujourd’hui l’une des figures les plus connues – et appréciées- de la nouvelle vague iranienne. Disciple du maitre Abbas Kiarostami avec qui il a travaillé comme assistant pour Au travers des oliviers, Jafar Panahi a prolongé cette œuvre dans un affrontement direct avec les dures lois que le pouvoir des Mollahs a imposé pour entraver la liberté de création des artistes.
Dans les pires conditions de tournage et de finition, il a réalisé des films mondialement connus et récompensés dans les festivals les plus prestigieux : Venise, Cannes, Berlin…Depuis Le ballon blanc (1995) jusqu’à Trois visages en 2018, il est resté fidèle à sa ligne de conduite, à savoir un cinéma social, à l’écoute des petites gens ; un cinéma toujours porté par un dispositif artistique original. Et ce malgré les différentes formes de répression y compris l’emprisonnement. Ses films sont la plupart interdits de rencontrer leur public mais il finit toujours par leur faire traverser la frontière (clé USB, dvds distribués clandestinement…). Parmi ses longs métrages, j’aime particulièrement Hors jeu (Ours d’argent à Berlin en 2006). Il raconte, dans un genre qui abolit les frontières factices entre la fiction et le documentaire, comment des jeunes filles pleines de vie, fan de football, parviennent malgré l’interdiction faite aux femmes, d’accéder aux stades et d’assister aux matches de leur équipe favorite.
Le court métrage Hidden frappe d’abord par son dispositif cinématographique qui rappelle celui de Taxi-Téhéran (Ours d’or à Berlin en 2015). Un dispositif réduit au minimum : un taxi, trois personnages et deux Smartphones et au final un bijou de cinéma. Jafar Panahi toujours en chauffeur de Taxi conduit cette fois sa fille Solmaz Panahi assise à l’arrière avec un iPhone et une amie productrice de théâtre. Sur le tableau de bord est installé un autre iPhone. Ils accompagnent la jeune productrice, pour aller dans un village kurde, tenter de convaincre une jeune chanteuse douée d’une belle voix de participer à un projet culturel.
La scène d’ouverture, avec un hors champ sonore nous place dans le contexte ; une ville de la république islamique. Le taxi permet de passer inaperçu. Les trois personnages sont filmés à partir des deux Smartphones. La jeune metteure en scène guide le chauffeur, Jafar Panahi vers la maison de cette voix d’or. On découvre son village et sa maison mais impossible de la voir. Sa mère qui accepte de les faire entrer leur rappelle la loi qui pèse sur le village, métaphore de tout un pays : « si les jeunes la voient chanter, notre famille sera maudite ». Le film installe alors ce qui en constitue le climax, le moment fort à forte charge symbolique : la jeune fille accepte de chanter mais séparée des trois invités par un rideau blanc, avec une légère ouverture sur le côté. Un plan fixe qui dure et qui clôt le film ; un écran blanc vide pour signifier le sort du cinéma dans un système fermé ; seule résiste cette belle voix off comme un hymne au futur.
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