Avec l’entrée en lice des films en compétition, la 19ème édition du FIFM prend son rythme de croisière en remettant au centre du dispositif les films, avec leurs images, leurs drames et la représentation cinématographique de l’imaginaire du monde d’aujourd’hui .
Et pour le premier jour les cinéphiles n’ont pas été déçus. En compétition officielle, le hasard a réuni deux films émanant de la sphère méditerranéenne ; la mer qui a vu naître la tragédie et continue à la vivre autrement.
La phrase du jour qui résume en quelque sorte la perception que les jeunes cinéastes donnent du monde, on la retrouve dans le film Snow and Beer de la jeune Selcen Ergun (Turquie, 2022). C’est sous la forme d’une dédicace qu’elle situe notre horizon d’attente : « à tous ceux qui espèrent l’interminable hiver ». Hiver à prendre au sens allégorique, car de l’hiver synonyme de l’état de la condition humaine, il en sera beaucoup question dans les films qui suivront. Le cinéma turc aime filmer les vastes paysages de l’Anatolie avec ses montagnes enneigées.
Un paysage-actant dramatique, l’équivalent de ce que fut l’ouest pour le Western américain. C’est là que Selcen Ergun a placé sa jeune héroïne (incarnée par une très belle actrice), une infirmière qui semble fuir la famille et la ville pour s’installer à la recherche d’un ailleurs plutôt psychologique que physique (comment se libérer de l’emprise de sa maman). Un long plan séquence, très beau en termes plastiques nous dit que ce chemin choisi ne sera pas un long fleuve tranquille : elle se trompe de virage, rencontre un inconnu à l’improviste.
Arrive dans un village où beaucoup de choses sont tues et beaucoup d’autres sont refoulées ou déformées. Elle sera elle-même impliquée, un peu à l’insu de son plein gré. Une neige qui refuse de partir, une mort énigmatique, des sentiments ambigus. L’ours tué est-il le vrai coupable ? Le silence des uns, le regard des autres sont des réponses possibles.
Beaucoup d’interrogations qui enrichissent le hors champ et en font l’enjeu majeur de la mise en scène de ce premier film qui a choisi avec une allusion rapide de rendre hommage à une figure historique du cinéma turc Metin Erksan et son beau film Time to love (1965).
Le deuxième film de la compétition officielle est tunisien, Ashkal de Youssef Chebbi. Il arrive à Marrakech auréolé de son triomphe à Montpellier. Le titre en arabe du film qui n’a pas pertinemment traduit ouvre sur cette dimension d’ouverture et d’énigme.
Askhal peut signifier en effet formes, figures, lignes, arabesques… une manière d’inviter le spectateur à créer ses propres formes à partir de celles que sont proposées par le film.
Proposées mais non définitives. Comme celle d’un faux genre policier que laisse entrevoir la séquence d’ouverture : cadavre, duo de policier, intrigue non résolue. Mais très vite cette piste s’avère limitée et le film nous apprend avec les lieux filmés, le système des personnages, l’évolution dramatique qui flirte avec le fantastique que la véritable enquête est ailleurs. Tous ses corps immolés ramènent à des questions stratégiques.
Certes, le film n’est pas directement politique, on est cependant bel et bien dans un monde post-printemps arabe. La structuration en labyrinthe du lieu des crimes, les longs plans fixes qui ouvrent le film sur une cité en ruine nous disent éloquemment que nous sommes en présence d’une architecture inaccomplie, d’un projet inachevé.
Le cadeau, ou la cerise sur la gâteau, de la journée fut l’hommage à James Gray avec la projection de son film Armageddon time (sortie 2002). D’inspiration autobiographique, le film revient sur une enfance dans le New York des années 1980 ; les années Reagan et les fractures qui obstruent l’horizon du rêve américain. Un rêve que sauve le cinéma américain et lui permet de nourrir cette utopie possible.
Le film est d’une justesse, d’une finesse et d’une densité dramatique qui m’amènent à y voir l’équivalent cinématographique de ce que fait dans le roman l’immense écrivain Philippe Roth. On retrouve la même configuration sociale autour d’une famille juive qui se bat pour rester au niveau des classes moyennes. Il suffit de traverser le Hudson, la rivière qui sépare Le New Jersey où se déroule le récit du romancier pour se retrouver à New York, le véritable personnage principal du cinéaste.
« La ville de New York, concentre, dit-il la férocité capitaliste des Etats-Unis. Soit on est au sommet, soit on est au plus bas ». Les enfants sont magnifiques et l’immense Anthony Hopkins nourrit le film d’une aura qui nous suit longtemps après le retour des lumières.
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