« Parmi les personnalités politiques qui ont marqué d’une manière ou d’une autre notre histoire récente, la figure ambigüe du fkih Mohamed Basri peut susciter un grand intérêt pour le cinéma »
Quelle est votre appréciation de la présence de la politique dans le cinéma marocain ? (Y compris vos films)
J’ai l’impression que la politique, dans le sens de la lutte pour le pouvoir ou en rapport avec lui, n’a pas été abordée de front dans notre cinéma. On dirait qu’elle n’en a pas été le sujet mais qu’elle a été évoquée uniquement de biais en quelque sorte, à travers un certain cinéma de critique sociale.
D’ailleurs, il faut noter que très rares ont été jusqu’à présent les films où la classe ouvrière, par exemple, a fait l’objet d’une représentation centrale. De même pour la paysannerie pauvre qui, quand elle est invoquée, elle l’a souvent été pour de mauvaises raisons qui n’ont rien à voir avec la complexité de son statut.
Cela étant, il y a eu des films qui ont essayé de traiter de cette problématique politique, y compris de ma part, mais en convoquant des drames du passé qui ont jalonné notre histoire contemporaine, comme les années de plomb ou autres révoltes sociales. Quant à l’histoire immédiate, telle qu’elle est traitée dans le cinéma américain ou européen, elle semble encore résister à notre compréhension, comme si nous n’étions pas assez outillés pour décrypter et narrer cette réalité.
Quel regard portez-vous sur la présence du cinéma dans la politique marocaine ? (Nos politiques font-ils référence au cinéma dans leur discours ? le cinéma est-il suffisamment présent dans l’espace public…)?
Nous constatons que notre cinéma, en tant que création et offre culturelle, est devenu de plus en plus présent dans l’espace public. Par contre, la classe politique semble continuer à ignorer le regard qu’il porte sur notre réalité.
Je me souviens, à ce propos, que l’unique fois où notre cinéma a fait l’objet d’un semblant de débat au sein du Parlement, c’était pour le rappeler à l’ordre. En effet, à l’occasion de la censure du film de Nabil Ayouch, « Une minute de soleil en moins », quelques députés islamistes avaient saisi cette opportunité en 2002 ou 2003 pour stigmatiser toute une série de films marocains qui avaient osé braver la pensée unique et la doxa et pour vouloir remettre en cause la législation en faveur de notre cinéma.
Je dois toutefois saluer l’initiative très louable du Parti du Progrès et du Socialisme d’organiser de temps en temps des hommages à des cinéastes marocains, initiative unique en son genre à ma connaissance.
Y a-t-il une personnalité, un fait, un événement, une scène de la vie publique des ces dernières années qui pourrait à votre avis inspirer un scénario pour le cinéma ?
par sa dimension romanesque et les rebondissements liés à son parcours parfois erratique.
Mais c’est une autre personnalité qui bénéficie de ma tendresse, celle d’Omar Benjelloun, lâchement assassiné par la Jamâa Islamiya le 18 décembre 1975, le lendemain de mon retour de Pologne, après mes études de cinéma.
D’autres personnalités, comme Ali Yata ou Abderrahim Bouabid, pourraient très bien donner lieu à des biopics ou à d’autres explorations plus innovantes pour décrypter des décennies pleines de bruit et de fureur qui ont marqué notre histoire commune.
S’il y a une revendication, une grande réforme, une requête à présenter aux futurs parlementaires (une seule)… elle serait laquelle ?
Sans rentrer dans les détails, relatifs au climat de suspicion qui règne de plus en plus dans la profession et qui se manifeste notamment par la bureaucratisation excessive à laquelle les cinéastes sont confrontés, j’aimerais que les leaders politiques reçoivent les associations cinématographiques professionnelles pour écouter leurs doléances et chercher à élaborer avec leurs représentants un modèle économique fiable, apte à doter notre cinéma de plus de liberté afin de pouvoir défricher de nouveaux espaces et de nouvelles temporalités.
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