Portrait d’Agadir: L’art polysémique de Mohamed Sanoussi

Saoudi El Amalki

Plus on s’imprègne dans le fond de Mohamed Sanoussi, plus on se rend compte que l’œuvre se dilue pour révéler des aspects enfouis dans la vue d’ensemble.

Son univers est tellement vaste et polysémique qu’on s’y régale du fond en comble, sans jamais s’en rassasier. Dans le présent portrait, on tenterait de s’introduire à la douce, du haut en bas, en zoomant sur les plus infimes détails, tout en gardant le recul à distance du champ visuel de toute la toile. On en choisit une parmi sa gerbe où la couleur chaude bouillonne d’antagonismes velouté et bourdonne de mouvements happants.

On aura donc l’air de savourer la lecture du sonnet en alexandrin du poète français Arthur Rimbaud du 19ème siècle qui s’intitule « Le dormeur du val ». Pour cet aède fascinant, la narration du soldat en plongée, prise de vue courante chez les cinéastes subtils, contient de bout en bout, du suspense à tenir en haleine les mordus du 7ème art.

Dans une ambiance plutôt guillerette au cœur d’un bosquet verdoyant, le narrateur tricolore y va de haut en bas, pour découvrir le militaire et descendant petit à petit, cet arc-en-ciel pétillant de sublimité, il compatit devant ces deux trous rouges à son côté droit. Tout cet admirable cheminement paysager aboutit à une fin tragique :

C’est un trou de verdure où chante une rivière
Accrochant follement aux herbes des haillons
D’argent, où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons

L’art polysémique de Mohamed Sanoussi

Jusqu’à présent, on est bien loin du drame qui surprend le lecteur par la suite, à travers cette splendide vadrouille de la nature. La caméra descriptive s’achemine decrescendo pour se figer en arrêt image sur les trous au flanc droit du guerrier :

Les parfums ne font pas frissonner sa narine
Il dort dans le soleil, la main sur la poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit

A notre sens, ces images empruntant le style de plongée cinématique, dans la métaphore poétique de Rimbaud, sont foncièrement en parfaite analogie chez Sanoussi où il faudrait sans cesse, descendre dans l’abîme ou encore monter aux cimes, en contre-plongée, afin de découdre les allégories sidérantes de l’artiste.

C’est ce qui fait l’intérêt sensuel du tableau et le mérite intellectuel de son auteur ! Sanoussi a toujours ce souci de convier les récepteurs à décrypter son espace polysémique, bourré de fantasmes et d’interprétations, mais aussi à raviver l’esprit d’échange et de partage avec son entourage. La richesse de ses œuvres est sans limite, car elle est féconde et novatrice à souhait.

Son art est donneur de charme et de leçons aux rencontres, puisqu’il est vivace et aventureux, provocant et impétueux, tel que le disait Pablo Picasso, le grand créateur de la Guernica : « Rappelle-toi : l’unique personne qui t’accompagne toute la vie c’est toi-même, Sois vivant dans tout ce que tu fais ! »


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