Nabil Ayouch, Haut et fort, à Cannes..La trilogie de Sidi Moumen

Mohamed Bakrim

Il était une fois un enfant qui rêvait de pierres bleues du désert…contre l’avis de la tribu, il resta attaché à son rêve qu’il finit, au terme d’un parcours sinueux et initiatique, par rencontrer…Oui, il y a de quoi revenir au troisième court métrage de Nabil Ayouch, Les pierres bleues du désert (1992), en le voyant monter les marches du grand palais du Festival de Cannes pour la projection de son nouveau film en compétition officielle. Et quoiqu’en pense la tribu, la démonstration est faite que les pierres bleues existent et le désert peut être traversé avec succès…
Enfant issu de la banlieue, au-delà du périph ! Il vient du côté de la marge sociale…Nabil enfant et jeune fit alors une rencontre cruciale qui détermina la suite de son parcours et de ce qui sera sa carrière. Il rencontra la culture et le cinéma. Il se forgea alors une volonté nourrie d’une vision du monde. Il n’oublia pas pour autant la banlieue et les desseins brisés d’une jeunesse marginalisée. Rentrée au Maroc, il ne cessa pas de braquer sa caméra vers cette banlieue qu’il a en mémoire. Et il faut dire qu’elle le lui rend bien : Sidi Moumen lui porte bonheur. Sidi Moumen, ses enfants et ses étoiles inspirent le meilleur de sa filmographie. Avec Haut et fort il boucle ainsi ce que l’on pourrait bien appeler la trilogie de Sidi Moumen que je mettrai bien en haut du podium de sa filmographie dans le classement que j’établis de ses films comme suit :
1) Haut et Fort (2021)
2) Chevaux de Dieu (2012)
3) Ali Zaoua (2001)
4) My Land (2011)
5) Mektoub (1998)
6) Much loved (2015)
7) Whatever Lola wants (2008)
8) Razzia (2018)
9) Une minute silence en moins (2003)
Les enfants de Ali Zaoua, on imagine bien qu’ils sont issus de Sidi Moumen (il reste en hors champ) car Sidi Moumen n’est pas seulement un lieu, un simple repère sur une carte, il est surtout l’emblème d’une fracture sociale, le titre générique d’une marginalité née de la violence des rapports sociaux. Au cœur donc de cette trilogie, il y a le programme narratif dessiné en ouverture du film Ali Zaoua, ce rêve d’un voyage vers une île. Tous les personnages des deux autres films sont animés d’un rêve, leurs actions portées par une utopie. Les jeunes fanatiques Des chevaux de Dieu rêvent de paradis ; ceux de Haut et fort instaurent un horizon nourri d’une musique qui les inscrit dans une universalité transcendant les murs érigés par une société fragmentée. On retrouve l’ambition de l’enfant des Pierres bleues du désert, la volonté de Lola d’épouser une nouvelle culture ; les rêves des jeunes femmes de Much loved et les projets de l’instituteur de Razzia…


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