Aziz Akhannouch : Personne ne nous empêchera d’exprimer nos désacords

Ses affaires ? Une réussite. Sa mission au sein du gouvernement ? Quasi accomplie. Reste un défi pour la première fortune du royaume : faire gagner son parti politique en 2021.

Sous un vaste chapiteau planté sur la place centrale de Dakhla, au sud  marocain, en ce début de soirée étouffante du 23 février, Aziz Akhannouch mouille sa chemise – littéralement. Après avoir fait entonner sans fausse note l’hymne national par les quatre mille participants, en majorité sahraouis, le ministre de l’Agriculture et de la Pêche depuis onze ans revêt sa casquette – nettement plus récente – de chef de parti avant de se lancer dans un discours entrecoupé de slogans et de youyous. Thèmes : le développement de la province la plus méridionale du pays, le programme du Rassemblement national des indépendants (RNI) et avant tout le roi Mohammed VI, à qui, dit-il, revient – plutôt qu’au gouvernement – le mérite principal de tout ce qui progresse sous le ciel du Maroc.

À 58 ans, ce fils d’entrepreneur berbère, élevé loin des manières gourmées de la haute bourgeoisie chérifienne et qui a fait prospérer le groupe familial au point d’être aujourd’hui à la tête de la première fortune marocaine (2,2 milliards de dollars, selon Forbes), éprouve un évident plaisir à l’exercice. Transformer le RNI, parti quadragénaire dont l’ADN est celui d’une formation de notables proches de l’administration et qui a pesé moins de 10 % des voix aux dernières législatives de 2016, en un parti de masse rajeuni et dynamisé capable de rivaliser dans deux ans avec les islamistes du Parti de la justice et du développement (PJD) est un défi de plus pour ce proche du souverain.

Y parviendra-t-il, lui qui sillonne le Maroc chaque week-end à bord de son jet privé, de meetings enfiévrés en réunions de bureau politique décentralisées ? Si sa réussite en tant que businessman est indéniable et son bilan en tant que ministre (quasi) unanimement salué, il reste à cet homme affable, modeste et consensuel à faire ses preuves sur la piste des grands fauves. Apprendre à être craint, résister à l’usure et devenir un « tueur », sans pour autant renoncer à ce qui fait sa singularité politique, lui l’enfant de Tafraout : il croit en ce qu’il dit.

Jeune Afrique : Le 16 janvier dernier, le Parlement de Strasbourg a ratifié les accords entre l’Union européenne et le Maroc concernant l’agriculture et la pêche, lesquels incluent les provinces du Sud marocain contestées par le Front Polisario. Pour vous, c’est une victoire. Quelle part y avez-vous prise ?

Aziz Akhannouch : C’est effectivement une grande bataille que le Maroc a menée et a remportée. Les équipes du ministère de l’Agriculture et de la Pêche ont travaillé main dans la main avec celles des départements des Affaires étrangères et de l’Intérieur pour apporter une réponse aux requêtes des instances européennes qui voulaient s’assurer du consentement de la population locale. Nous avons mené des consultations impliquant les chambres d’agriculture et de pêche, ainsi que les conseils régionaux pour que tout le monde puisse donner son avis sur ces accords avec l’Union européenne. Les élus sahraouis sont partis eux-mêmes convaincre les parlementaires européens, chez qui nous ressentons désormais une meilleure compréhension de la problématique de nos provinces du Sud.

LE POLISARIO CHERCHE À JOUER DE SON PSEUDO-POUVOIR DE NUISANCE POUR ENTRAVER LE DÉVELOPPEMENT DES PROVINCES DU SUD

Le Polisario annonce vouloir saisir à nouveau la Cour européenne de justice. Est-ce reparti pour un nouveau round ?

Le Polisario cherche à jouer de son pseudo-pouvoir de nuisance pour entraver le développement socio-économique en faveur de la population locale. Mais le Maroc trace son chemin. Nos investissements sont là, visibles pour nos partenaires européens ou autres. Avec la Russie, par exemple, l’accord de pêche qui s’étend aussi jusqu’à La Gouéra arrive à terme en 2020, et les préparatifs pour son renouvellement sont en bonne voie. J’ai eu à en discuter avec mon homologue russe, qui nous a récemment rendu visite au Salon Halieutis, à Agadir, tout comme avec seize autres ministres étrangers.

Quelles ont été vos réalisations à la tête de ce département que vous pilotez depuis près de douze ans maintenant ?

Le secteur de la pêche a changé de visage. La mise en œuvre du plan Halieutis a permis de protéger nos ressources tout en les valorisant. Convaincre les opérateurs de respecter les périodes de repos biologique pour assurer une pêche durable et les amener à opter pour les conteneurs normalisés et pour les halles aux poissons a été un travail de longue haleine. Aujourd’hui, les résultats sont perceptibles. Le prix d’une petite barque de pêche, qui était de 50 000 à 60 000 dirhams, a été multiplié par dix. C’est dire la valeur captive de ce secteur, mais il faut rester vigilant, surtout par rapport à la protection de la ressource.

Le Plan Maroc vert visait, entre autres, à doubler le PIB agricole entre 2008 et 2020. Cet objectif sera-t-il atteint ?

Nous n’en sommes pas loin. Le PIB agricole a grimpé de 67 % au cours de la dernière décennie, pour atteindre 125 milliards de dirhams. Il a progressé en moyenne annuelle de 5,25 %, quand l’économie nationale a connu une croissance moyenne de 3,2 %. Le secteur contribue au PIB du pays à hauteur de 15 %, et sa modernisation n’a pas empêché la création de 250 000 emplois.

اترك رد

لن يتم نشر عنوان بريدك الإلكتروني.

يستخدم هذا الموقع ملفات تعريف الارتباط لتحسين تجربتك. سنفترض أنك موافق على هذا، ولكن يمكنك إلغاء الاشتراك إذا كنت ترغب في ذلك. الموافقة قرائة المزيد