Les implications géopolitiques et Géoéconomiques de la reconnaissance de la Marocanité du« Sahara occidental » par la Maison blanche.

AZULPRESS – Anouar  MAZROUB * //

Quels sont les tenants et les aboutissants de la nouvelle position américaine au sujet de la crise du « Sahara occidental » ? C’est à cette question que le présent article scientifique aspire à apporter des éléments de réponse, et ce tout en se référant à deux donnes géopolitiques déterminantes; la première étant les actions entreprises par le Maroc  au lendemain de la décision royale de Janvier 2017 actant la réintégration de l’organisation de l’Union Africaine, et la deuxième annoncée le 10 Décembre 2020 par le président américain, Donald Trump, relative à la promulgation d’un décret présidentiel prescrivant la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur les provinces du sud contestées par la RASD et considérées jusque là par l’ONU comme étant  un territoire en conflit du « Sahara occidental ».

Eléments du contexte régional :

Pour bien comprendre le contexte d’avènement de cette historique décision américaine, il importe de dire que cette dernière parvienne au moment où le Maroc continue de consolider les acquis de la percée diplomatique royale en Afrique entamée depuis 2017. Cette dernière a débouché sur la reconnaissance du rôle stabilisateur[1] du Maroc ainsi que son rôle central dans toutes les tribunes du dialogue politique continental (Secrétariat de l’UA, présidence en Septembre 2019 du Conseil de Paix et de Sécurité, présence à l’enceinte de G5 Sahel, SEN-SAD, demande d’adhésion à la CEDAOU, etc.). Ainsi, le Maroc partant de ses atouts géostratégiques, comme hub  régional clé des rapports Nord- Sud et Est-Ouest aspire à se positionner comme porte parole de l’Afrique ; aussi bien pour le dialogue politique continental que pour le dialogue multilatéral avec les grandes puissances à l’international ( participation active au débat onusien sur la Migration, participation au dialogue de l’OTAN comme allié stratégique non otan, présence  soutenue dans le cadre des accords d’association avec l’UE, présence du haut niveau au débat mondial sur la sécurité : présence de roi Mohamed VI au Forum de Paris sur la Paix et la sécurité  en 2018, implication du Royaume aux négociations multilatérales sur les différentes questions mondiales : changement climatique, le développement, la gouvernance sécuritaire, la cybercriminalité, le terrorisme, etc.).

I-10 Décembre 2020 : un signal fort d’une orientation internationale vers un règlement réaliste du conflit régional au Sahara :

         L’entretien téléphonique entre le souverain marocain Mohamed VI et le président américain Donald Trump marque un tournant historique à plus d’un titre ; d’abord, c’est la première fois que la Maison Blanche marque une rupture avec la « doxa americana » inspirée historiquement de ce que les politologues appellent « le Peckerisme américain ». Ce credo en effet a longtemps traversé les visions de la classe politique américaine, depuis les tenors néo-conservateurs du parti républicain jusqu’aux démocrates les moins gauchistes. Outre, le fait de légitimer la présence marocaine dans ses provinces du Sud en soi est un double acquis diplomatique, dans la mesure où une telle décision étatique émanant d’une grande puissance, constitue un soutien qualitatif à la proposition d’autonomie proposée par le Maroc depuis 2007. Non seulement mais,  aussi parce que cette orientation  provenant d’un membre permanent du conseil de sécurité, considéré par les juristes onusiens comme le concepteur  des drafts et minutes des  projets de résolutions du Conseil de Sécurité ne peut être que prometteuse pour  un règlement prévisible du ce conflit régional, sur la base de la piste autonomiste  marocaine, de plus en plus qualifiée de crédible  et réaliste dans les sasses de l’ONU bien avant cette entrée de jeu structurante de l’administration américaine.

Dans le détail, cette entrevue a été l’occasion pour les deux chefs d’Etats pour annoncer l’aboutissement d’un processus intense de négociations et de pourparlers entre les Etats Unis d’un côté (le 1er contributeur au budget de l’organisation onusienne), et le souverain marocain Mohamed VI de l’autre côté. L’output de ces accords tripartites a concerné deux volets majeurs, à savoir :

  • Le 1er comme il a été signalé précédemment, concerne le décret présidentiel portant la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur ses territoires sud. Ce qui implique, la sortie des Etats Unis du Club des Etats le qualifiant de « Sahara occidental »
  • Le 2ème accord porte sur la signature d’un accord de reprise des liens consulaires et diplomatiques avec l’Etat d’Israel après 20 ans du gel des relations bilatérales.

II-Le fondement juridique et politique du décret présidentiel aux Etats Unis :

Sans vouloir entrer le la polémique politicienne des pseudos analystes, qui se laissent porter par leurs fantaisies-analyses sacralisant les décrets présidentiels, parfois ces « décryptages » infoxes (désinformants) vont au delà des principes juridiques et constitutionnels régissant le système constitutionnel de l’oncle Sam. De l’autre  côté de la désinformation, les collaborateurs de la caste militaire algérienne, payés de la manne pétrolière des damnés de grand sud algérien, investissent désespérément leurs réseaux de relations publiques pour faire croire au gens que l’adage «  personne n’est aveugle que celle qui ne veut pas voir » n’est pas applicable à la dynamique actuelle au Sahara, des manœuvres médiatiques à des visées de dissimulation de l’inquiétude chronique du régime algérien par rapport au devenir de son investissement suicidaire  dans une cause perdue au sud marocain. De facto, les déclarations du Conseiller du chef de la diplomatie américaine M.Pompio hier lors de sa visite à Alger consiste un rappel à l’ordre politique très évocateur à ce sujet.

Juridiquement, il est utile de rappeler que le décret présidentiel du Trump, à l’instar de tous les actes et décisions relevant de du champ de la doctrine universelle du Droit administratif, obéisse aux principes directeurs de la science aministrative, notamment l’hiérarchie des normes et le principe de parallélisme des formes et de formalités, c’est-à-dire que cette décision , abstraction faite de son fond, ne déroge pas aux procédures de révision, d’annulation ou d’affirmation par la personne morale compétente ( le centre de pouvoir ayant habilité à le faire conformément aux principes évoqués en haut)..

Dans une telle situation comme celle-ci, on serait (au conditionnel) juridiquement devant le fait politique suivant : un président américain décide le 10 décembre 2020  //la reconnaissance de la souveraineté du Maroc au Sahara/et au 20 janv. 2021 +, il est plus que conventionnel à l’américaine de lire : //un président américain J.Biden  //Annule et/ou révise et/ou consent// (par un silence gardé le décret n°…//.

Bref, en dehors de ce regard juridico-administratif au sujet, tout essai de mise en perspective de cette action administrative de l’institution de la présidence fédérale américaine, reste loin des paradigmes et instruments méthodologiques de l’analyse politique et juridique.

Cependant, l’angle stratégique qui conforte l’immunité et la pérennité de la décision américaine au sujet du Sahara, c’est le facteur exogène à ramifications endogènes par rapport au système décisionnel américain qui peut nous apporter une réponse. Il s’agit bien entendu du rôle d’Israel dans ce deal stratégique et historique. Faut- il rappeler que les intérêts du cet Etat constitue la constante de la politique étrangère américaine, voire même une composante fondamentale de sa sécurité nationale. Outre, la première démocratie proche orientale, qui se prépare à :

  • *- organiser ses 4èmes élections législatives en seulement 2 ans ;
  • *- faire comparaître son premier ministre B.Natanyahou devant la justice pénale, pour soupçons de corruption et d’abus de confiance,

Ce même Etat hébreu dispose d’un redoutable outil de Diplomatie d’Influence aux Etats Unis et dans les différents arcanes des institutions fédérales américaines (CIA, le Congrès, la Cour Suprême, les GAFAM, les Multinationales, etc.), cette influence est exercée notamment via l’organisation communautaire juive American  Israel Public Affairs Committee (AIPAC[2]). Ce dernier, qui semble être le parrain de ce processus de négociation marocco-américain, demeure et compte tenu de la normalisation des relations entre les deux peuples Israélien et marocain, la seule et l’unique garantie d’immunité du décret du président Trump vis-à-vis d’une procédure du contrôle ex-post du président élu J.Biden.

Sur le plan idéologique, le faible clivage démocrato-républicain au sujet de soutien inconditionnel du l’Etat hébreu,  minimise les chances d’une orientation corrective envers le décret du D.Trump par J.Biden, en faisant recours au pouvoir de révision de cette décision. A vrai dire, une telle action, risque de compromettre sa stratégie de relance économique, en transformant le redoutable lobby juif AIPAC en ennemi. Stratégiquement, le recours de l’administration démocrate à cette option peut saper la transition et l’image des démocrates aux yeux des juifs des Etats Unis, d’Israél et du monde entier.

IV-Les implications géopolitiques de la décision du Trump sur le conflit du Sahara :

         Historiquement, le statut quo du conflit du Sahara, dont les origines remontent à 1975, a été le résultat d’un compromis tacite entre les deux acteurs internationaux majeurs et leurs alliés interposés ( Union Européenne, les Etats Unis, L’Espagne, la Russie, l’Afrique du Sud, le Royaume Uni, etc.). Ainsi, le jeu des acteurs autour de la question a été façonné de la façon suivante : la France, la Russie et l’Espagne affichaient sans détour leur  adhésion à ce jeu de statut quo post 1991 ; ainsi, il été convenu que la position Française soit plus ou moins  pro-Maroc  alors  que l’Ex-force colonisatrice du Sahara l’Espagne et la Russie se positionnaient comme les fervents défenseurs de la thèse algérienne prônant la voie référendaire et  l’invocation de principe onusien d’autodétermination au Sahara, durant ces trois dernières décennies de ce jeu géopolitique au conseil de sécurité. Quant à Washington, sa position, aux années quatre vingt dix a pris une certaine distance par rapport aux deux belligérants, tout en insistant sur l’importance de la négociation et le respect de la légalité internationale et des droits de l’homme au Sahara. Cette relative neutralité a été relativement ébranlée au début de 3ème millénaire avec le plan Pecker, qui a montré une certaine solidarité avec la thèse séparatiste de la RASD.

          Toutefois, cette configuration du contexte de cessez-le–feu de 1991semble désormais caduque et non avenue face aux soubresauts géopolitiques récents advenus sur la scène internationale et régionale. D’abord il faut noter la remarquable évolution de la position russe au sujet de la crise du Sahara au lendemain du soulèvement du peuple algérien en février 2019, à ce titre, la résolution du Conseil de Sécurité n°2494 portant renouvèlement du mandat de la Minorso pour une année, nous apporte la preuve. Celle-ci est empreinte d’une nouvelle prise de position du l’acteur russe ; incarnée notamment par son abstention avec l’Afrique du Sud au vote sur la résolution au Conseil de Sécurité. Faut-il rappeler que cette nouvelle position russe ne peut être interprétée géopolitiquement sans tenir compte de dernier sommet Afrique-Russie tenu en 2019. Egalement, la dynamique contestataire politique qu’a connue l’Algérie et les conclusions de la visite du Ministre des Affaires étrangères Russe Sergui Lavrov à Rabat en 2019 se joignent pour expliquer les dessous de cette avancée qualitative de la position russe vis-à-vis du dossier du Sahara.

A ce mouvement des lignes de la crise saharienne s’ajoute la lourde décision américaine mettant fin à une neutralité négative, désormais, les américains reconnaissent le caractère réaliste et crédible de la proposition d’autonomie proposée par le Maroc à la société internationale depuis 13 ans. L’administration du Trump a d’ores et déjà exprimée depuis mai 2018, sa ferme volonté d’encourager un plan B viable et crédible à l’actuel immobilisme de la crise depuis 1991, dont la continuité risque de menacer la paix et la stabilité de toute la région du Sahel et la méditerranée. Cette nouvelle approche américaine s’est traduite depuis, par la désignation du haut conseiller à la sécurité nationale, Jarit Kochner, qui a été chargé par Trump de négocier avec le royaume du Maroc ce plan B réaliste et crédible. L’output de ce remarquable effort diplomatique bilatéral, déployé loin des projecteurs pour plus de deux ans et demi a été rendu public par les chefs des deux Etats à l’issue d’une entrevue téléphonique à ce sujet le 10 décembre 2020.

Bref, ce repositionnement des grandes puissances autour du dossier du « Sahara occidental », laisse à croire à une sortie de crise envisageable dans le futur proche. Ce qui ouvrira à terme la situation économique du grand Sahara et du Sahel sur une nouvelle étape.

V-Perspectives géoéconomiques pour la région du Sahara à la lumière de la décision américaine :

         Avec la dernière prise de position de la première puissance économique mondiale, en faveur de la voie autonomiste proposée par le Maroc, force est de dire que cette crise est plus que jamais préparée à sortir de son statut quo et sa situation de « non guerre non paix ». Ainsi, les observateurs s’attendent à plus d’engagement américain aux Nations Unies, qui peut à lui seul adosser la remarquable « diplomatie des consulats » adoptée à Laayoune, ville érigée en  hub consulaire en un laps de temps, avec plus de 15 postes consulaires. Sans oublier sa charge symbolique comme étant un soft rappel à l’opinion publique mondiale de l’erreur stratégique des milices de la RASD au passage frontalier « Elguergharat » et la menace que représente ce groupuscule à la sécurité du commerce international. Toutes cette dynamique offre des opportunités économiques, qui peuvent changer le visage de toute la région saharienne, citons parmi ces opportunités les suivantes :

  • le soutien grandissant et l’adoption définitive de l’option autonomiste, désormais devenue américaine, permettra de faire sortir la région du statut juridique de « zone du conflit »qui bloquait les flux d’investissements, un telle normalisation du statut juridique de la zone en « territoire marocain autonome » dit beaucoup de choses pour les  observateurs du climat des affaires à la bourse de Wall Street, Londres, Paris et Frankfurt et Chengai.
  • Un statut normalisé du Sahara présente un fort potentiel pour l’implantation et la domiciliation des activités du méga projet trans-saharien, le gazoduc Nigéria-Maroc, ce qui va encourager les initiatives visant l’approvisionnement local de la chaine de projet au Sahara (montage des unités de production au Sahara, résorption des frais de transport, etc.).
  • Le hub consulaire montant à Laayoune constitue en soi un énorme potentiel pour l’attractivité économique de la région et l’exploration des possibilités d’investissement pour les pays y présents. Faut-il préciser à ce niveau que la mission du poste consulaire, depuis la nuit des temps à Athène et Rome(les proxènes, proconsuls), est bel et bien de promouvoir les échanges et le commerce entre les peuples et les individus et  encourager les interactions entre les cultures et les peuples de la planète.

Tout laisse à croire, en définitive, que la réintégration de l’Union africaine par le Maroc a mis fin à la mainmise des « tenors africains »[3] qui constituaient la force de frappe de la politique d’Adiss Ababa avant 2017, une politique longtemps placée au service de la thèse séparatiste du groupe de la RASD. D’ores et déjà, le parrain historique de séparatisme est de plus en plus pris en étau par l’exigence démocratique exprimée par le peuple algérien depuis 22 février 2019 dernier et sa propre survie pèse de plus en plus sur lui et sur alliés. Ainsi, l’histoire enseigne à la caste dirigeante en Algérie la leçon disant : « vaut mieux s’occuper de son jardin politique dénoncé et condamné chaque vendredi par les enfants d’un million et demi des martyrs que continuer à investir  dans l’absurdité et les séparatismes dans le voisinage nord africain ».

Finalement, la nouvelle position américaine vis-à-vis du dossier du Sahara présente une opportunité historique pour le devenir de ce conflit régional, qui n’a plus de raison de persister, dans une région stratégique et candidate à servir de clé de voûte pour les échanges nord-sud et les grands projets d’intégration régionale(ZLECAF,CEDAOU, le commerce international terrestre trans-africain, etc.).

Egalement, le Maroc se doit d’inscrire davantage son action au continent dans le cadre d’une politique de coopération multidimensionnelle (économie, politique, culture, éducation, commerce, religion,…) afin de réussir sa diplomatie d’influence, renforcer sa voix et faire valoir ses intérêts à l’échelle des différentes instances politiques africaines.

*Anouar  MAZROUB/ Chercheur en  Droit International Public – Le 09 -01-2021.

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[1] Selon une déclaration officielle à la presse de la Responsable chargée de la Politique Etrangère de l’Union Européenne, Federica Moghirini en 2018.

[2] Né en 1951 aux États-Unis, l’AIPAC ou « American Israel Public Affairs Committee » est un groupe de pression visant à soutenir Israël. L’AIPAC travaille avec les démocrates, républicains et indépendants pour adopter des politiques publiques qui améliorent la relation américano-israélienne. Lire plus sur www.aipac.org

[3] Algérie, Afrique du Sud, Nigéria notamment.


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