Le nouveau documentaire hassani..MAINTENIR LA FLAMME
MOHAMMED BAKRIM
Je viens de voir deux films documentaires de la jeune réalisatrice Malika Maalainine : Hair house et Horse’s hooves. Deux films qui s’inscrivent dans le cadre de la réhabilitation de la culture hassanie. Je formule d’emblée une hypothèse de lecture émise à partir de l’observation de plusieurs documentaires hassanis. Outre le rapport spécifique à la captation de l’espace et son intégration à la dramaturgie -car il y a bien de la dramaturgie dans un documentaire- j’ai relevé dans ces films la récurrence de deux images à forte charge symbolique.
D’abord l’image du feu que l’on allume/rallume pour différentes utilisations ; souvent pour préparer le thé. Il y a dans les deux films de Maalainine comme ceux d’autres réalisateurs l’idée d’un feu dont il faut préserver la flamme pour que jamais ce feu ne s’éteigne. N’est-ce pas là une belle métaphore sur la fonction symbolique de ces films ? Celle de maintenir vivante (rallumée) cette culture ancestrale à travers ces multiples formes d’expression, rites, pratiques et traditions. Des cinéastes qui ne sont pas sans rappeler le rôle des prêtres dans d’autres cultures, chargés de conserver un feu dans le temple. Les écrans étant nos temples d’aujourd’hui. Ce faisant, ces jeunes cinéastes prometteurs rejoignent spontanément le geste du père fondateur du documentaire Falherty. Quand il avait filmé les Inuits au pôle nord, il avait conscience qu’il prenait en images les signes d’un monde appelé/condamné à disparaître.
Ensuite, une autre image récurrente forte, celle de la présence des enfants. Leur regard étant le véritable ordonnateur du nôtre. Dans ce sens, j’aime beaucoup la séquence d’ouverture de Hair house (littéralement la maison des poils) ; une caméra discrète accompagne le début de la journée d’une famille de nomade avec de belles images de l’aube. On suit les petits gestes en symbiose avec l’environnement réduit au minimum. Malika a l’art de saisir le quotidien dans ses détails : un feu ; des verres de thé ; un chat…et voilà l’enfant qui sort de la tente encore sous l’emprise du sommeil et vient rejoindre sa grand-mère. Moment de grâce cinématographique.
C’est Ayoub. Son entrée dans le champ va donner une autre dimension à la scène, humain et éthique. D’autant plus qu’à un certain moment il jette un regard furtif à la caméra introduisant ainsi une rupture dans le dispositif. Ce regard-caméra brise la velléité de fiction qui émane du récit pour nous rappeler que nous sommes dans une écriture documentarisante. Du coup, il dessine l’horizon de ce qui sera l’approche de la mise en scène future. Ce regard vierge, innocent sera celui que portera la réalisatrice sur ces femmes et leur pratique artisanale en train de disparaître.
J’ai cependant une réserve majeure quant au recours au drone dans les transitions pour Hair house et beaucoup plus souvent dans Les sabots de chevaux. Cela introduit une rupture esthétique qui nuit à la cohérence de l’ensemble. Ces images artificielles qui ne renvoient à aucun point de vue et versent dans le cliché véhiculé par YouTube. Le charme du rythme né d’une mise en scène à l’échelle humaine si j’ose dire s’en trouve rompu.
Ce que je défends dans les films sur la culture hassanie, c’est justement le regard que ces films portent sur leurs personnages ; l’empathie qu’ils nous font éprouver à leur égard sans maniérisme, sans forcer le trait. Des films avec les gens et non sur les gens, justement comme lorsque Maalainine filme dans le marché ces femmes désespérées mais dignes.
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