L’ASSOCIATION « UNIVERSITE D’ETE D’AGADIR » Leçons d’un pan de l’histoire du mouvement culturel amazighe

 Ahmed BOUKOUS//

Il est des institutions phares dont l’histoire est, en elle-même, un jalon de l’histoire de mouvements sociaux structurants. Tel est le cas de l’Association « Université d’Eté d’Agadir », de par le contexte politique de sa naissance, la vision des acteurs qui y ont présidé, l’impact de ses travaux sur l’émergence de la conscience identitaire amazighe,  et l’approche des défis et des enjeux de la nouvelle situation.

Le climat politique des années 1970 n’a pas été propice au développement du mouvement associatif amazighe. Les associations existantes, peu nombreuses d’ailleurs, souffraient  de leur isolement dû à des conditions politiques peu encourageantes tant du côté des institutions étatiques que du côté de la classe politique dominée par l’idéologie nationaliste arabe. Mais cela n’a pas empêché l’émergence de nouvelles associations et, paradoxalement, l’expression d’un engagement et d’un enthousiasme grandissants. Les enjeux de ce contexte ont généré la volonté de créer un cadre associatif fédérateur dans un environnement incubateur représenté par la ville d’Agadir et sa région, et dédié principalement à la réflexion politique sur les conditions de possibilité du discours et de la pratique dans le champ de l’amazighité.

C’est dans ce contexte que des militants de la première heure de la cause amazighe ont jeté les bases du projet de création de l’Association « Université d’Eté d’Agadir » (AUEA). Je n’en citerai qu’un seul, Brahim Akhiat, en raison de son rôle central dans les questions d’organisation et pour lui témoigner ma sympathie fraternelle dans la dure épreuve qu’il traverse ces dernières années suite à un accident vasculaire cérébral dont il a été victime lors d’une précédente session de l’ AUEA. L’importance et l’urgence d’une structure de réflexion, d’échange et de production d’idées s’étaient progressivement imposée à tous, indépendamment de l’affiliation régionale, politique ou associative des acteurs. C’est ainsi que ce groupe de militants à conceptualisé la devise de l’Association « L’unité dans la diversité », l’unité dans le cadre de la nation marocaine et la diversité dans l’expression des composantes linguistiques et culturelles de l’identité nationale. Cette devise a constitué le fondement d’une nouvelle approche de la question culturelle au Maroc.

Dans cette nouvelle vision, deux sessions de l’AUEA ont eu un impact considérable sur le processus de reconnaissance de l’amazighe, la première tenue en 1980 et la seconde en 1991. Par l’acuité des questions posées, les propositions formulées et la virulence des débats, la première session a constitué indubitablement le déclic qui a dénoué l’un des nœuds gordiens qui a empêché jusque là les élites de penser la question amazighe de manière rationnelle et constructive. L’autre session a permis de passer de l’étape de la réflexion à celle de la contribution à la mise en œuvre du processus de reconnaissance de l’amazighe. La Charte d’Agadir est née dans ce contexte. C’est un document historique qui fournit, sur la base d’une analyse politique de la situation concrète de l’époque, un programme cadre qui préconise la reconnaissance officielle de l’amazighe de pair avec les mécanismes d’institutionnalisation de l’amazighe à travers les politiques publiques, notamment dans l’éducation, l’information, la culture, le développement et la gouvernance territoriale.

Aujourd’hui, l’amazighe bénéficie du statut de langue officielle et sa culture est théoriquement intégrée dans le projet de promotion de la culture marocaine. De nouveaux enjeux apparaissent, dont les principaux sont afférents à la promulgation des lois organiques et des textes d’application relatifs à la mise en œuvre de la co-officialité de l’arabe et de l’amazighe, et spécifiquement à l’intégration effective de la langue et de la culture amazighes dans les différents secteurs de la vie publique. Du coup, affleurent de nouveaux enjeux et également de nouveaux défis pour l’IRCAM et pour la société civile dans son ensemble.

Mon vœu est  que la culture politique initiée par l’Association « Université d’Etat d’Agadir », et fondée sur l’unité du mouvement associatif dans la diversité de ses composantes, puisse encore inspirer les jeunes générations pour que le flambeau soit porté encore plus fort et plus haut.


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