- AZULPRESS – Mohammed Bakrim //
Certains lieux de naissance dessinent déjà une destinée. Bertrand Tavernier, cinéaste français décédé le 25 mars 2021 à l’âge de 79 ans est né à Lyon, la ville qui a vu naître le cinéma. L’une de ces artères célèbres porte d’ailleurs le nom de « La rue du premier film ». Peut-être que Bertrand Tavernier enfant avait déjà arpenté cette allée portant encore les traces de l’invention des frères Lumière et rêvant de son métier futur. Même si son milieu familial immédiat le prédestinait à un domaine marqué par les livres et la littérature. Son père était écrivain et poète…Finalement, Bertrand Tavernier trouvera sa voie qui le mènera effectivement vers le septième art dans ce qu’il a appelé une fois « une sorte de rupture avec la figure du père ». Son cinéma reste cependant marqué et porté par un référentiel culturellement ancré dans cet héritage paternel et familial ouvert non seulement sur la littérature mais aussi sur les arts : la musique, le jazz notamment, la peinture…
Mais ce qui caractérise davantage le cinéaste c’est son amour du cinéma qu’il exprime avec engouement ; c’est une passion nourrie de cinéphilie et qu’il ne cesse de partager et de transmettre ; avec ses films ; ses livres et ses multiples et variées interventions. Une cinéphilie loin de tout dogmatisme, ouverte sur tous les genres et qui n’hésite pas à aller contre les goûts de l’establishment parisien. Il défendait par exemple le classissme et la fameuse « tendance du cinéma français » contre laquelle s’était révoltée les jeunes loupes de la Nouvelle vague à la fin des années 1950.
La brillante carrière de Bertrand Tavernier est une nouvelle illustration de la preuve que les grands cinéastes ne sont pas obligatoirement issus des grandes écoles de cinéma. Tavernier n’est pas lauréat d’une prestigieuse école mais c’est un enfant de la cinémathèque et des ciné-clubs qu’il a contribués à créer et à animer. Il fut pendant de longues années un attaché de presse défendant notamment les cinémas méconnus ou qui ne sont pas à la mode.
Il tourna son premier long métrage en 1974 dans sa ville Lyon, L’horloger de Saint-Paul, une adaptation d’un roman de Georges Simenon. Suivrons de nombreux films, il travaille beaucoup, marqués par un certain éclectisme.
En 2008, il publie un monumental ouvrage (plus de 1000 pages) qui réunit ses entretiens avec des cinéastes américains parmi les plus grands
Mon film préféré de sa riche filmographie est indiscutablement Un dimanche à la campagne (1984) avec notamment la gracieuse Sabine Azéma. Des retrouvailles familiales au début du siècle précédent sous le signe di temps qui passe et de la mort qui approche (c’est un vieillard qui reçoit les siens). C’est un film proustien non seulement avec le clin d’œil de la présence de la madeleine mais aussi dans cette langueur qui met autre chose dans le plan. Un plan où le cadre, les motifs et surtout la lumière renvoient à une dimension picturale, on n’est pas loin de l’influence, époque oblige (vers 1912), de l’impressionnisme.
Bertrand Tavernier fut également un citoyen engagé. Très tôt il avait dénonce la torture pratiquée par l’armée coloniale dans l’Algérie à la fin des années 1950. Il s’est engagé également aux côtés des sans papiers et dénonçant les thèses de l’extrême droite.
En 2019, le festival de Marrakech lui avait rendu un vibrant hommage. C’est Harvey Keitel qui lui avait remis Une étoile d’or pour l’ensemble de sa carrière. Le cinéaste avait tenu à partager son trophée avec «tous les réalisateurs, les acteurs et les spectateurs», avec une mention spéciale pour les frères Lumière, «les inventeurs du cinématographe, caméra révolutionnaire qui permettait de capter les mouvements».
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