?Court métrage marocain : crise ou mutation

Mohammed Bakrim

 « Le court métrage aujourd’hui connaît une phase spéciale de son évolution, réduit le plus souvent à un faire-valoir de festivals en manquent d’inspiration.»

La projection du court métarge, Salam de Souad El Bouhati (Maroc-France, 1998 ; Grand Prix à Clermeont Ferrand) lors des Journées du film marocain organisées par le ciné-club Nour-Eddine Saïl à Agadir a suscité un emmense engouement, indiquant une nouvelle fois que ce format-genre a toujours son public.

Même si aujourd’hui il connaît une phase spéciale de son évolution, réduit le plus souvent à un faire-valoir de festivals en manquent d’inspiration.

Le court métrage a fonctionné comme indicateur de l’état de santé global du cinéma marocain. Son évolution même est à l’image de l’évolution de ce cinéma.

Pendant longtemps, le cinéma marocain était tout simplement réduit à sa production de court métrage ; durant une bonne partie des années 1950 et des années 1960.

Certains observateurs n’hésitent pas d’ailleurs à qualifier cette période tout simplement de l’âge d’or, non pas du court métrage mais de tout le cinéma marocain. Notamment dans sa version documentaire.

De jeunes cinéastes issus de la prestigieuse école de cinéma parisienne, l’IDHEC, ayant rejoint le centre du cinéma marocain ont produit et réalisé des films d’une grande richesse thématique et visuelle.

Inscrit dans un dispositif institutionnel qui en faisait des films de commande (il n’y avait pas de télévision à l’époque), cela ne les a pas empêchés néanmoins à faire preuve de créativité et d’imagination aussi bien dans les fictions à visée didactique que dans les documentaires de vulgarisation ou de promotion.

Des noms comme Benchekroun, Bennani (Larbi), Afifi, Lahlou, Tazi, Bouanani, Rechiche…ont marqué cette époque.

Plus tard, avec l’arrivée de la télévision, l’éclipse du cinéma et le retrait du CCM de la production directe, le court métrage va être à l’image de la traversée du désert du cinéma marocain, particulièrement durant la période des années 1970.

Avec l’entrée en vigueur du système de l’aide publique au cinéma, notamment depuis l’instauration du fonds d’aide à la production, le cinéma marocain va connaître un certain décollage, qui ne manquera pas de profiter au court métrage.

Une date à marquer d’une pierre blanche dans ce sens, le festival national du film de Tanger en 1995. Cette édition va voir débarquer (au sens propre et au figuré !) une nouvelle génération de cinéastes courtmétragistes qui donneront à ce format ses lettres de noblesse et lui assurer un nouveau départ.

Il s’agit de Nabil Ayouch, Lakhmari, Lagzouli, UladMhand…On peut parler en toute logique d’une nouvelle vague portée par un réel désir de cinéma. Une vague qui sera prolongée et portée au fur et à mesure de l’évolution du système de production par des figures emblématiques.

C’est ainsi que nous aurons symboliquement des périodes centrée sur tel cinéaste ou tel autre ; autour duquel gravitent de nouvelles générations issues de parcours diversifiés : écoles de cinéma, cinéphile, autodidactes…

C’est ainsi que nous avons eu, après la période Lakhmari, une période Faouzi Bensaïdi. A Oujda en 2003 commence la période Mouftakir qui va nous conduire jusqu’à la fin de la première  décennie des années 2000 qui voit arriver l’ère Aziz Fadili. Depuis lors, c’est le silence plat.

Aucune figure n’a réussi à s’imposer comme porte drapeau de la nouvelle génération de courtmétragistes marocains. Le court métrage est orphelin, sans leadership.

Certes des noms ont bien marqué plusieurs éditions du festival national du film. Je pense à Hicham Lasri avant son passage au long métrage, à des cinéastes issus de la diaspora ; à Imad Badi aujourd’hui…mais depuis, aucun jeune cinéaste n’a su imposer une démarche spécifique, l’ébauche d’une vision ou un ancrage dans une tendance esthétique déterminée.

Cela a été confirmée lors des dernières éditions avec la prépondérance de films portés plus par un jeu formel, un flou thématique voire un éclectisme esthétique.

Au mieux on assiste à un remake de certains succès cinématographiques au point où l’on pourrait parler d’un courant post-casagnégra. Cela invite certainement à s’interroger sur l’ensemble du dispositif en vigueur : aide à la production, formation ; présélection…

La prolifération des « festivals » dédiés uniquement au court métrage a accentué cette crise de créativité et a favorisé une certaien facilité (tout court métrage a une chance ou une autre de décrocher un prix quelque part sur la vaste carte des festivals).

L’arrivée de nouveaux modes de « fabrication des images » et de leur diffusion via le web notamment est en train de bousculer certainement toute une conception –classique- du court métrage.

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