Big Data Djihad, le nouveau roman de Hicham Lasri..Une fiction post-Covid

Mohammed Bakrim

« Trop de rituels mais pas assez de foi »

Big Data Djihad, nouveau roman de Hicham Lasri : on peut parler d’une première fiction post-Covid ; beaucoup d’auteurs et non des moindres ont «pensé » la phase du confinement en termes analytiques et exploratoires sur ce que serait l’humanité après l’expérience traumatisante de la pandémie.

Phase marquée notamment par la place prépondérante du numérique, Internet et les réseaux sociaux dans la gestion de la crise mais dans l’ordonnancement de l’ensemble de la vie sociale. Le règne de Big Data est né.

C’est cet univers que revisite Hicham Lasri pour le déconstruire doublement. D’abord au niveau de l’intrigue, le « personnage » a fait exploser la planète Internet en remettant les compteurs à zéro (référence arabe par excellence qui vient prolonger le concept d’Alqaida/la base).

C’est son journal que nous parcourons avec lui au gré de ses arrestations et de ses interrogatoires (c’est un huis clos policier, en somme) des commissariats locaux aux bureaux de la CIA…mais ce n’est là qu’un prétexte, pour produire un « texte » qui bouscule les règles de la narration classique : « on arrête la danse du ventre narrative, on bazarde les trois actes… » (Page 36).

C’est un voyage alors qui s’offre au lecteur mobilisant son intelligence et son savoir multiréférentiel et je dirai encyclopédique. L’auteur puise dans une boîte à outils qui est une véritable caverne sémantique et lexicale.

Non seulement cela suppose une familiarité avec le jargon des réseaux d’aujourd’hui mais aussi des références littéraires (Homais…) historique (Isle Koch) politique « je vais être en total glasnost au sein de notre perestroïka » (extraordinaire hasard qui fait coïncider la lecture de cette citation avec le décès récent de Gorbatchev !).

On passe ainsi du plaisir du texte, celui inhérent à la pratique courante de lecture à ce que Barthes appelle texte jouissance « celui qui met en état de perte, celui qui déconforte […], fait vaciller les assises historiques, culturelles, psychologiques, du lecteur, la consistance de ses goûts, de ses valeurs et de ses souvenirs, met en crise son rapport au langage ».

Cette « déconstruction » du langage est propre à une démarche cohérente chez Hicham Lasri. Elle fait conjuguer le roman/le théâtre/la graphie/est le cinéma.

Des allures ludiques qui la portent, émanent une critique du monde où domine une fausse rationalité. La déraison qui traverse cette œuvre est le miroir de l’irrationnel qui gouverne notre monde.

A la lecture de ce nouveau roman (nouveau à prendre non pas seulement au sens chronologique mais comme concept), se dégage un regard critique face à l’omniprésence de « la raison » des réseaux ; pour rompre avec leurs sens établis ; pour donner la priorité aux expériences subjectives (Big data est le roman du dépit amoureux !).

Une lecture qui nous invite à penser avec de coordonnées spatio-temporelles distinctes car autonomes.


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