AGADIR OUFELLA :Le projet comporte l’idée d’une restitution archéologique des remparts tels qu’ils étaient la veille du tremblement de terre

Mise en patrimoine de la Kasbah d’Agadir Oufella :
la restitution architecturale de la forteresse
Ville d’Agadir à la hauteur de son histoire.

 

La forteresse d’Agadir a incarné, durant plus de six siècles, l’importance d’un port au débouché des grandes routes continentales qui liaient Sahara et Europe, Afrique et Asie. Ce site de promontoire exceptionnel surplombant le port a été classé comme monument historique marocain en 1932. En grande partie détruit, la terrible nuit du 29 février 1960, aujourd’hui, ses vestiges sont un lieu de mémoire douloureux.

Soixante années après le terrible tremblement de terre, il a été décidé de donner à ce site emblématique de l’histoire du Maroc, une nouvelle vie, dans le respect des protocoles internationaux des interventions patrimoniales post-catastrophes, afin d’ouvrir le site à la visite et au recueillement. Ce projet entre dans le cadre de la mise en œuvre du Programme de Développement Urbain de la Ville d’Agadir 2020-2024 dont la convention cadre a été signée, le 4 février 2020, sous la présidence de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste.

La mise en valeur de la Kasbah d’Agadir Oufella vise notamment à restituer l’attractivité de ce site et à assurer un accès au plus grand nombre dans les meilleures conditions. Durant le chantier, une continuité d’accès a été conçue à destination du grand public pour ne pas priver les Gadiris et les autres visiteurs de la visite de ce monument. La visite des fouilles et le chantier pilote de restitution des remparts constituent en eux-mêmes un élément d’attraction touristique. La forteresse deviendra alors un point d’étape incontournable à Agadir.

À partir de septembre 2017, une grande opération de concertation et de mobilisation des parties prenantes a été entamée. Société civile, rescapés et descendants des victimes, associations culturelles de la ville, ont été consultés sous forme d’ateliers et de rencontres. Ces rencontres se sont poursuivies durant plus de deux années ponctuées de conférences internationales en décembre 2018 et en décembre 2019 à destination des responsables régionaux, communaux et associatifs pour élaborer une vision commune garante de la réussite. Le projet s’est donc appuyé sur un protocole scientifique multidisciplinaire (archéologues, historiens, anthropologues, architectes et ingénieurs) selon les principes de la science ouverte et participative, tout en mobilisant les dernières technologies de digitalisation au service de la conservation.

RESTITUTION DE LA FORTERESSE

La mise en patrimoine d’Agadir Oufella s’appuie sur le principe de la restitution, c’est-à-dire une reconstruction à l’identique de 1960 des lieux emblématiques de la Kasbah qui font sens au regard de son histoire : l’ensemble des remparts et l’unique porte d’entrée de la forteresse sont restitués, tout en ménageant l’espace de sépulture intérieure qui concernait les anciennes zones habitées de la Kasbah. Avant toute intervention, les logiques constructives des différentes époques sont donc finement documentées pour déchiffrer les séries d’interventions menées aux différentes époques qu’a connues la citadelle au cours de son histoire, notamment suite aux épisodes de batailles successives, aux tremblements de terre du XVIIIe siècle et aux différentes phases de reconstruction qui s’ensuivirent.

ÉTAT DE L’EXISTANT,  DE LA RUINE AU MONUMENT

L’ampleur des dégâts a nécessité un plan d’action spécifique dans le respect des protocoles archéologiques et architecturaux post-catastrophes.

Le projet s’appuie sur le principe d’une restitution archéologique des remparts. La restitution est la reconstruction physique ou intellectuelle de tout objet architectural altéré, voire disparu, dans l’objectif d’en redonner une nouvelle image aussi exacte que possible.

Pour ce faire, les photographies d’archives ont permis de disposer d’un état antérieur au tremblement de terre. Ceci a été complété par un relevé détaillé des murs des fondations et des soubassements existants en associant relevé manuel et digitalisation 3D par drone. Ces étapes ont permis d’élaborer un plan au sol, des façades, et surtout une volumétrie, les plus fidèles possible aux bâtiments antérieurs.

Un comité scientifique composé d’archéologues et d’historiens spécialistes des structures fortifiées historiques accompagne le projet dans toutes ses étapes. Parallèlement, un travail auprès des survivants du tremblement de terre permet de recueillir des informations matérielles complémentaires pour retrouver les matériaux, les spécificités architecturales, historiques et l’usage du lieu dans ses successions de périodes.

Ensuite, l’intégralité de la forteresse a été digitalisée en 2018, puis des opérations de photogrammétrie régulières ont été menées pendant les différents états de la forteresse et seront menées jusqu’à son sauvetage final.

DES RÉNOVATIONS INADÉQUATES EN BÉTON

Après les effondrements de 1960, plusieurs opérations de restauration ont affecté les parties Est et Sud de la forteresse. Ces deux murs qui avaient résisté en partie au séisme ont connu des traitements différents. Le mur Est a bénéficié d’une intervention légère tandis que le mur Sud, la porte ont été repris au béton de ciment. Or, l’incompatibilité des matériaux a eu des effets désastreux. Alors que le mur Est présente un état de conservation bon, le mur Sud présente des désordres liés aux pathologies classiques des édifices mal réhabilités selon des techniques inappropriées non-documentées. L’unique porte d’entrée a ainsi subi une transformation radicale tandis que diverses constructions plus récentes sur socles de béton ont mis en péril l’ensemble des constructions de pierre et pisé. Les remblais des bâtiments arasés ont accéléré le processus de dislocation.

Dans ce projet, attentif au bâti archéologique, tout ce qui peut être conservé, de façon pérenne, l’est en priorité. Malheureusement, depuis plusieurs mois ont été constatés de nombreux désordres graves entraînant la dislocation des éléments entre eux, et de fait, l’effondrement d’une partie du monument, comme sur la porte et tout le rempart Sud exposé à la mer, et rénové de façon inadéquate en béton armé il y a deux décennies.

ÉTAT D’AVANCEMENT DES TRAVAUX

Les travaux ont débuté au 1er juin 2020 par une étude archéologique exhaustive des parties à restituer en mobilisant les techniques contemporaines spécifiques à l’archéologie des édifices patrimoniaux disparus et tout particulièrement des fortifications.

Les 7 semaines de travaux entre le 1er juin et le 23 juillet 2020 ont concerné les fouilles préventives et les prélèvements s’y référant, ainsi que des prospections dans les abords pour s’assurer de bien commencer la restauration des remparts par une documentation préalable complète. La stèle de marbre blanc bilingue en hollandais et arabe, datée de 1746, et qui a résisté aux assauts du temps, a été démontée le 30 juin 2020 du fait d’un état de délitement du mur qui la supportait. La zone Est-extrémité Nord doit encore être fouillée. Mais les autres zones sur l’Est et le Sud des remparts sont clôturées : la phase de restauration des remparts peut désormais débuter sans craindre pour le monument.

Les travaux qui ont débuté après l’Aïd El Kébir concernent la phase première de restitution des remparts, en deux temps : d’abord la façade vers la ville et la mer qui sont les plus délicates et ensuite les autres façades.

Le projet comporte l’idée d’une restitution archéologique des remparts tels qu’ils étaient la veille du tremblement de terre ; avec des époques antérieures riches encore à présenter.

Les premières opérations ont pour objectif :

  • Accueillir du public dans des conditions de sécurité adéquates
  • Restituer la forteresse et proposer des parcours de visite qui portent la signification du lieu
  • Documenter : faire parler les murs par l’archéologie et les témoignages des victimes
  • Une fouille archéologique complétant ce parti pris de départ
  • Restituer les lieux saints dans leurs qualités premières qui fassent honneur à un lieu fortement sacré : déplacer les antennes qui encombrent le site, remplacer les constructions anarchiques en ciment par de véritables tombeaux construits en matériaux locaux.

PLAN GÉNÉRAL DU PROJET DE MISE EN PATRIMOINE DE LA KASBAH

Une fois les remparts restaurés, un platelage de visite sera installé intramuros en parcours final du site historique pour bien comprendre chaque partie de son histoire tout en offrant une vue panoramique sur l’océan ou la ville. Ce parcours permettra également de s’approprier un lieu post-catastrophe avec ses dispositifs mémoriels tout en rendant hommage aux disparus. Un sismographe viendra enregistrer le pouls de la Terre et expliquer les conditions du séisme de 1960, cet événement naturel inattendu qui a bouleversé Agadir. Enfin, un mémorial œcuménique, placé entre les trois tombeaux historiques de la citadelle, accueillera le public qui le souhaite, à la fin du parcours, après un couloir du souvenir évocateur des victimes. Il sera accessible directement pour les cérémonies d’hommage, les récitals, ainsi que pour les victimes ou leur descendance. À travers ces étapes de mise en patrimoine de l’ancienne citadelle devenue médina, puis brutalement lieu de sépulture, le visiteur s’appropriera une région à l’histoire complexe dans ses relations avec le monde puisque cet ancien port était aussi un point de contact entre diverses nations.

Des sentiers botaniques, jalonnés de dispositifs pédagogiques, permettront aussi de s’assurer de la protection de la faune et la flore, tout en cheminant à travers un petit patrimoine de bâtiments modestes ou d’édifices classés, autant de balises patrimoniales, autrefois négligées, désormais mises en valeur. Cette zone de protection du patrimoine archéologique et écologique, entendu dans un sens large qui intègre le paysage, impliquait d’enfouir toutes les plateformes de services d’accueil du public (sanitaires, buvettes, billetteries, etc.) pour être le moins visibles possible.

La valorisation de la forteresse s’accompagnera d’un plan de mobilité en conformité avec le plan de sécurité. L’accessibilité du site sera repensée par des transports collectifs, efficaces et sûrs.

Le projet est donc articulé en diverses étapes

  1. Restitution des remparts selon le protocole d’archéologie du bâti
  2. Réorganisation des accès durant les travaux de la porte principale. L’accès par l’entrée Nord-Est est alors aménagé pour assurer la continuité de la visite des murailles restituées.
  3. Aménagement de la plateforme de services
  4. Installation d’un platelage de visite intramuros en parcours final du site
  5. Aménagement des lieux saints historiques intramuros et du mémorial
  6. Parcours botanique, couloir de la biodiversité et réseau de protection des écosystèmes

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