Au cœur de l’organisation du festival, la compétition officielle. Elle est ouverte aux premiers et aux deuxièmes films des cinéastes venus de la vaste planète du cinéma.
On reviendra plus tard sur ce choix, pour le situer dans son historicité et pour échanger à propos de son opportunité pour le cinéma marocain et de sa pertinence par rapport à la qualité globale de la sélection.
Le fait majeur est qu’au fur et à mesure de la présentation des films, nous découvrons des talents, hommes, femmes et des imaginaires nourries de cultures diverses ; nous racontant le monde et une vision de cinéma.
Ils-elles font tous partie des nouvelles générations. Certains sont l’émanation des ateliers de l’Atlas. Pour beaucoup, la présence à Marrakech est une consécration en soi ; une magnifique rentrée dans l’univers du cinéma international.
Une étape dans un parcours initiatique. Et Marrakech constitue un cadre idoine dans la mesure justement où la compétition officielle n’est pas livrée à elle-même, mais insérée dans une programmation riche, variée et largement cinéphile.
Avec une dimension pédagogique indéniable avec la série de « Conversations avec… ». Le hasard de cette édition a fait que cette dimension a été encadrée en quelque sorte par la projection de films de deux grands noms du cinéma international, Paul Schrader et Jaafar Panahi.
Deux noms illustres qui offrent aux jeunes cinéastes deux manières radicalement opposées de faire du cinéma. Deux dispositifs.
La présentation du nouveau film de Paul Schrader, Master gardener, ainsi que sa présence, son passage au tapis rouge ont été des moments de grande émotion pour les cinéphiles.
C’est l’incarnation du Nouvel Hollywood, resté longtemps à l’ombre des grands. Scénariste puis cinéaste, avec Master gardener, il offre d’une manière indirecte une leçon de cinéma.
Comment construire un récit sur des fondamentaux. Partir d’une idée forte et prendre le temps de la traduire en langage de sons et d’images.
Dans ses interventions, il en donne les trois grandes phases : trouver le problème central qui justifie l’écriture de l’histoire.
Dans le cas de figure, la question de la rédemption d’un néonazi confronté au dilemme de rester enfermé dans ses dogmes ou de se livre face à la jeune femme qui incarne l’Amérique qu’il détestait.
Deuxièmement, trouver la métaphore. Et ici, c’est la belle métaphore du jardin qui renvoie à l’image de la société qu’on veut « tailler », re-construire.
Troisième phase, trouver l’intrigue. Dans son nouveau film, il s’agit de se confronter à un gang qui harcèle la jeune apprentie désormais sous la protection du maître jardinier.
La grande idée de Schrader, si l’on veut résumer, c’est trouver la métaphore qui résume ou qui illustre le problème qui va être posé par le récit.
Je pense que le nouveau film de Jaafar Panahi, No beers (2022), est porté justement par deux belles métaphores.
Celle de la frontière et celle de l’ours. Panahi reste fidèle à son dispositif, celui du cinéma dans le cinéma. Ici, il filme, dans un village kurde l’histoire d’un jeune couple qui cherche à fuir un pays despotique (la jeune femme a été emprisonnée, torturée et son amant gravement malade).
Un prétexte narratif pour nous livrer d’autres histoires notamment autour des gens du village.
Pour en revenir à la métaphore, tout le film est porté par la figure de la frontière. La frontière physique, celle que Panahi refuse de franchir dans un beau moment du film, préférant rester dans son pays. La frontière culturelle qui sépare autour des traditions.
La frontière esthétique entre fiction documentaire, réel et imagination. L’autre belle métaphore est celle de l’ours. Une pure invention pour que les gens restent cloitrés chez eux. Pour exprimer une société gouvernée par la peur, l’irrationalité.
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