Paul Pascon : en avril, une pensée pour lui

Mohammed Bakrim//

« La sociologie ne servirait à rien si elle ne dévoilait rien »

Paul Pascon

Paul Pascon est né en effet en avril (à Fès, le 13/04/ 1932) ; et il est mort en avril (le 22/04/1984) lors d’un tragique accident en Mauritanie où il était en mission en compagnie de son ami et fidèle collaborateur  Ahmed Arrif. Une perte terrible au moment où il était au faîte de son rendement scientifique et intellectuel. Il est incontestablement considéré comme le père de la sociologie rurale au Maroc.  Il fut chercheur, formateur, organisateur…intellectuel engagé.

Une pensée pour lui comme un hommage permanent mais aussi parce que ce retour à cet intellectuel exceptionnel, l’actualité marocaine s’y prête et instaure Paul Pascon comme horizon de pensée et notamment sa réflexion générale sur les questions du développement. Une réflexion qui s’impose en marge de la pandémie actuelle qui a mis à nu certaines réalités et auxquelles avaient renvoyé d’une manière ou d’une autre le lancement de la réflexion sur le nouveau modèle de développement  économique et social. Et le hasard fait bien les choses puisque nous retrouvons parmi les membres de la commission Benmoussa, deux  brillants anciens collaborateurs de Paul Pascon, devenus aujourd’hui d’éminentes références nationales et internationales en matière d’anthropologie et des sciences sociales, à savoir Mohamed Tozy et Hassan Rachik…Ils continuent à prolonger un héritage nourri de l’amour du terrain, de l’écoute des gens et porté par un enthousiasme, un engouement sans faille.

Aujourd’hui ce n’est pas seulement une commission qui est concernée, c’est tout le pays qui est appelé  à réfléchir au nouveau modèle de développement. Mais au préalable ne faut-il pas se demander : à quel pays,  à quelle société ce projet va-t-il être proposé ? C’est ainsi que Pascon est actuel ; et aussi parce que la société marocaine demeure « une société sous-analysée ? » ; notamment à travers deux de ses composantes qui avaient passionnées Pascon dans ses recherches, la jeunesse et la campagne. Oui, la campagne cette grande muette que Pascon cherchait à comprendre ; à décrypter  par exemple les réactions profondes, les prises de conscience qui déterminent les attitudes, les hésitations et la méfiance des fellahs vis-à-vis de systèmes de culture, de techniques nouvelles et de pressions administratives: un vrai problème fondamental de développement.

Paul Pascon a été très tôt impliqué dans la réflexion sur le modèle de développement  à travers son action au sein des équipes chargées de la préparation du premier plan quinquennal sous le gouvernement progressiste de Abdellah Ibrahim (1959-1960). En outre, son action sur le terrain était animée par le souci de « saisir son objet », la société marocaine, à travers une dialectique agir pour connaître / connaître pour agir.

Ayant été engagé dans les passionnants débats animés par des intellectuels proches du parti communiste marocain sur le mode de production historique qui a caractérisé l’évolution de la société marocaine (féodal ? asiatique ? précapitaliste ?…), Paul Pascon refusant de remonter les sentiers battus de l’idéologie dominante au sein d’une certaine gauche, avait forgé un concept d’une grande pertinence, celui de la société composite. Pour lui, dans la société marocaine coexistent différents modes de production et des formes sociales différentes en compétition, en conflit, parfois aussi et en même temps complémentaires.

Dans un très beau texte – hommage, feu Abdelkébir Khatibi nous rappelle à ce devoir de mémoire au moment où l’on ne cesse de constater le silence des intellectuels, sinon leur trahison : « La pensée la plus proche de cette œuvre est de respecter ce que, de son vivant, Pascon respectait: la liberté rigoureuse de l’esprit, l’exigence d’une parole en acte et d’une action orientée vers un projet de société. »

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